Crédit photographique :  Henry Chan

Incomplete open

C’est d’abord la composition de l’espace que l’on cherche à comprendre dans les dessins de Mathieu Lacroix. Où sommes-nous ? Ce n’est pas tout à fait un espace défini, ni un agencement aléatoire. Quel est l’angle de vue ? Et l’échelle ? Puis, on cherche à identifier ce qui façonne cette composition. Tout nous semble familier : les structures architecturales, les objets, les codes liés au travail, à la tâche, les postures des rares silhouettes. Existent-ils tels quels ? Sont-ils imaginés par Lacroix ? Quels sont les liens entre tous ces éléments ? 

 

Mais tout cela est vain. Rien ne nous sera révélé. On saura seulement que l’artiste a comme points de départ ce qui se trouve dans son environnement. Mais rien ne pourra être nommé avec certitude. Les questions demeureront sans réponses, ou plutôt ouvriront à toutes les réponses. Car si l’espace ne dévoile pas tout, il se suffit. Il suffit à évoquer assez d’indices pour que naissent des images, pour que l’on y trouve nos repères.

 

Si tout est reconnaissable, alors pourquoi a-t-on du mal à identifier la dimensionnalité de cet univers distillé, le contexte de son apparition? C’est que l’espace de l’œuvre est une anti-construction. Pas qu’il ne soit pas pensé, réfléchit, bâtit, mais rien n’y est ancré, rien ne forme un espace habitable. Tout est superposition : de plans, d’éléments, de matières. Tout est accumulation : de réminiscences – les nôtres, les siennes –, de signes, de lignes. Tout pourrait possiblement bouger, potentiellement composer un autre espace, se réarranger. Et c’est ce caractère malléable qui, étrangement, permet pour que l’on y imagine des récits.

 

Dans cette série, la figure humaine est schématisée et éprouvée : elle se démultiplie ou est accablée. Si elle est moins présente dans les dessins, c’est qu’elle les a parfois quittés pour se déposer au mur, sans toutefois en être une extension ou être en retrait pour les observer. L’espace n’étant pas circonscrit, même s’il se contient sur la feuille, les limites de l’œuvre ne sont pas définies par un cadre ou par une structure rigide, cela permet ainsi à la figure d’en sortir et de prendre sa place dans l’espace.

 

Par

Catherine Barnabé